L'enfance est un état d'esprit qui peut être facilement annihilé par la dureté de la vie et de ces épreuves. On pense que tout est perdu, une fois que le rêve naïf prend fin. Et on vient à se dire que plus jamais, on aura cette faculté à voir le beau dans le laid. Et pourtant, j'ai passé ma vie à m'efforcer de voir plus loin que le bout de mon nez. À porter mon regard au-delà de l'horizon qui s'étalait sous mon regard. Durant les six premières années de ma vie, j'ai vécu dans un rêve entouré par mes parents. J'avoue que mon père a toujours été un homme très inaccessible, peu adepte de l'extériorisation, mais j'ai toujours été à la recherche d'une teinte de fierté à mon égard et de la tendresse. Mais mon père est un homme dur qui n'annonce jamais la profondeur de ces sentiments. Chose que j'ai toujours associé à la force. Contrairement à maman qui a toujours su dévoiler ces émotions et son amour pour moi. Mais étrangement, même si je passais plus de temps avec elle, c'était envers mon père que je me sentais le plus proche. Sans doute parce que je souhaitais entrer dans son monde, le rendre plus paisible et le faire sourire. C'était tout ce que je souhaitais à cette époque. Certes, je le désire toujours autant, mais ma manière de faire doit être largement différente, je dois l'admettre.
J'ai passé mon enfance entouré par le cobra de maman qui parfois dormait dans mon lit pour veiller sur moi. Sans doute, que ce dernier avait ce côté maternel de mère ressentant ainsi les forts sentiments de celle-ci à mon égard. Est-ce possible ? Que l'animal totem soit aussi attaché à l'entourage des autres que la personne à laquelle elle est liée ? J'ai entendu dire que oui, c'est une possibilité. Les sentiments se fondent l'un dans l'autre. C'est une chose que je ne comprenais pas autrefois. Tout comme le fait, que je ne comprenais pas pourquoi l'animal totem de papa feuler contre moi quand je n'étais pas rassurée. Mais petite fille cela me rassurer sur le fait que papa éprouver de la tendresse envers. Celle qu'il ne pouvait pas exprimer.
Mais je n'ai guère eu le temps de réfléchir davantage à cela que maman m'a emmené loin d'Assima et de mon père pour se rendre à Ma'. Alors, qu'il se trouvait à un moment important de sa vie, maman a décidé de le quitter, de m'éloigner de lui. Moi qui ne souhaitais que continuer à le comprendre et entrer dans son monde, elle a supprimé toutes mes chances. Je lui en ai terriblement voulu et de ce jour-là, nos mondes ont été à l'opposé l'un de l'autre.
C'est à partir de ce moment-là que mon enfance s'est fermé et que mon caractère blessé est devenue celui d'une peste insolente et emplit de colère. J'étais jeune certes, mais ma douleur ne pouvait que s'exprimer par des mots blessants ou bien ignorant ma mère pour me fondre dans un espace plus grand, loin des maux que je sentais au fond de moi.
Les années suivantes en tout cas jusqu'à mes dix ans, j'ai vagabondé ici et là. Me laissant porter par le vent me sentant plus proche de cet élément que celui de l'eau ou du feu. Je n'ai jamais éprouvé le besoin d'avoir un élément semblable à celui de mes parents, j'ai laissé le mien venir à moi tout simplement. Je sentais déjà quelque chose de différent se produire en moi, mais je ne parvenais pas à le définir encore.
Ma vie était faite de journée d'étude, de mes évasions et de mes moments où je pouvais chanter, danser et jouer d'un instrument. La musique a toujours su sauver mon âme de la tristesse et de m'éloigner de cette colère qui grondait doucement en moi. Un poison malicieux et mauvais qui me faisait plus de mal que de bien.
Puis un jour, le test pointa le bout de son nez. A Hayawanatou, à dix ans, tous les enfants se devaient de se rendre à Assima pour dévoiler son don ou plutôt le trouver. J'étais si heureuse de pouvoir m'envoler de mes propres ailes, loin de cette tension silencieuse qui régnait continuellement entre ma mère et moi. Je me sentais soulagée d'un poids immense. Assima était pareille que dans mes souvenirs, mais aussi différente, sans doute, parce que je ne portais plus mon regard de petite fille continuellement rêveuse et ignorante de tous ces problèmes propres aux adultes. Même si je m'entêtais à continuer à tenir le rêve dans le creux de mes mains, parfois, il m'échappait. Tout comme le vent, il se montrait malin et coquin. Revoir le visage de mon père fut un moment très intense pour moi. J'avais l'impression de voir un étranger tout comme j'avais cette impression de faire face à l'homme que j'ai toujours connu. Quatre années de séparation, ce fut une éternité pour moi parce que même si mon père ne s'intéressait plus à son avenir de président, je ressentais quand même plus d'affinité avec lui qu'avec maman.
Sans doute, suis-je une mauvaise fille. J'agis mal envers elle surtout que nous nous sommes séparées avec une nouvelle dispute avant de me rendre à Assima. Mais c'était plus fort que moi, dès que père se trouvait dans la conversation, les esprits s'échauffait et je m'emportais facilement. Irrationnellement même. Jeune, mais impétueuse et insolente. C'est une partie de moi dont je ne veux pas me séparer. C'est mon armure contre le monde. Un bouclier qui se fait de plus en plus imposant. À la fois lourd et léger.
Depuis si longtemps, je me prépare pour cet instant. Que cela vienne de père ou de mère, ils se sont montrés exigeant sur mon éducation sportive et honnêtement, j'ai toujours aimé ça. Je n'ai rien contre la lecture ou encore mes passions artistiques, mais j'ai toujours été une enfant avec un besoin fort d'activité. Parfois, je me rendais compte que mon père m'observait de loin et je tentais de déceler une lueur de fierté. Mais c'est un être impassible et il est compliqué de voir quoi que ce soit sur son visage. Imaginez-le dans ce silence qui le caractérise, son lion au pelage ébène à ces côtés. L'un et l'autre débordent de charisme et je n'ai qu'admiration en imaginant ce tableau.
Mon test s'est très bien déroulé en définitive. Même sous l'influence de l'anti-mensonge ou sans, j'aurais répondu sincèrement parce que personne ne m'impose sa vision des choses même si cela doit venir de mon père. J'ai démontré un talent certain pour escalader la montagne et l'arbre. J'ai tellement observé les animaux et les oiseaux le faire que j'ai développé une technique bien à moi. Beaucoup ont pu admirer cette valse aérienne, je prenais plaisir à le faire et plus j'étais haut et plus j'avais l'impression de ne faire qu'un avec le ciel. Ce ciel que j'ai toujours aimé regarder qu'importe le temps, la saison ou encore l'heure.
L'air est devenu mon compagnon. J'allais apprendre à ne faire qu'un avec lui. Si fière, si heureuse, vous ne pouvez pas imaginer la sensation qui a découlé en moi, mais ce n'était rien lorsque mon père est venu à moi pour... Pour. J'ai encore tellement de mal à y croire qu'à chaque fois les larmes me viennent.
Je suis tellement fier de toi.C'est tout ce que j'ai toujours eu envie d'entendre de sa bouche. Son regard semblait s'illuminer quand il le posait sur moi. Que je me suis enfin cru importante pour lui. Mais de ce moment a découlé plus de colère encore pour ma mère. Je ne parvenais pas à lui pardonner de m'avoir enlevé quatre ans de vie avec mon père. C'est pour ça que je lui ai promis de revenir à Assima pour continuer à être avec lui.
C'est donc à Hawa que je me suis rendue. Les montagnes seront à présent ma nouvelle demeure. L'air aussi pure qu'une eau de source. Agréable et le paysage est sans nul autre pareil. On se sent si petit quand on constate la grandeur et les merveilles que peuvent faire la nature. Cependant, malgré les petits bonheurs jonchant ma route, les médisances et les méchancetés ont été monnaie courante. Tout cela parce que je suis la fille du président. Les enfants sont si méchants entre eux. Tellement horrible.
J'étais seule à devoir les affronter. Et plus encore, mon bouclier s'est renforcé par toutes les médiocrités que l'on me disait. Bagarreuse et impulsive, je devenais cette rebelle que j'ai toujours été au fond de mes chairs. Oui, haïssez-moi si c'est ce que vous voulez, mais votre venin même s'il m'atteint me renforcera toujours plus encore.
Malgré tout cela, je ne suis pas seule parce que je l'ai lui. Xiah. C'est mon entraîneur en escalade. Il fait figure de père à Hawa, toujours prompt à me défendre ou à tempérer mon côté impulsif, grognon et peste. Il sait comment me faire sourire quand mon esprit broie du noir. Je sais comment l'apaiser en jouant de l'ocarina ou de la flûte. Je chante souvent pour lui et il apprécie mes talents tout autant que ma personnalité. Qualités ou défauts, il m'accepte tel que je suis sans demander de changer quoi que ce soit. Cela fait du bien de se sentir apprécier même quand des rumeurs ont circulé et qui concerné mon père. Des rumeurs que je ne crois pas parce que j'en ai été la cible également. On m'a prêté tellement de mauvaises choses comme le chapardage, le fait que je couche avec n'importe qui, le moindre acte mauvais et on me pointe du doigt.
Je reconnais beaucoup de défauts, comme le fait que je fume, que je me bagarre, que je sois la peste, froide et impassible pour ma propre survie. Mais j'ai beaucoup plus de dignité. Je suis une jeune femme qui a un esprit assez vieillot, je crois en l'amour et coucher avec un homme, c'est partager une partie de mon être. Je souhaite connaître un sentiment aussi fort que ceux que je peux lire dans ces livres qui me bercent secrètement. Voler ? À quoi ça me servirait-il si cela ne m'est pas nécessaire. Je ne manque de rien et je me suis toujours contenté de peu pour dire vrai.
Je sais ce que je vaux et si j'affiche une mine coupable, on le croira. Mais il est vrai que quoi que je fasse, je serais toujours passé au crible. Ciblé par toutes ces mauvaises langues.
Xiah est là.
Mais à présent, Zephyr aussi. Mon animal totem. C'est un colibri qui est venu à moi, un jour où j'ai décidé de me perdre dans la montagne après avoir été à nouveau accusé de... En fait, je ne sais plus. La liste des fausses accusations est longue et les preuves ne sont jamais présentées.
J'ai couru. Encore et encore. J'ai couru jusqu'à être essoufflé et de sentir mes poumons brûler. Le cœur battant la chamade. J'ai eu l'impression qu'il voulait s'extirper de ma cage thoracique pour montrer à la montagne à quel point il saigne.
Je me suis laissée tomber, genoux à terre agrippant la terre sous mes ongles. Les larmes s'y mélangeant. L'écho de ma tristesse m'entourant. C'est dur d'être seule, mais c'est pire quand les autres créent de faux mensonges parce que leur loisir c'est de blesser.
Alors, j'ai
chanté pour apaiser mon cœur et mon âme. La musique faisait écho autour de moi avec comme musicien la nature. C'est là qu'il est venu à moi. Zephyr. Se mettant à virevolter autour de moi comme bercer par ma voix jusqu'à se poster face à mon regard. Et c'est là que j'ai compris que nos mondes seront liés l'un à l'autre. Je me sentais déjà plus heureuse, moins quelconque. Son cœur et le mien devenant une unité que l'on ne pouvait pas distinguer parce que nous sommes semblables.
C'est à ce moment précis, à mes 15 ans que j'ai compris l'intensité du lien entre l'humain et son animal totem. On se sent complet et revivre d'une nouvelle manière.
Sans lui, je ne suis rien. Avec lui, je suis tout et je peux tout faire parce que mon âme a trouvé son âme sœur. Mon cœur a trouvé le médicament pour le guérir. Je l'aime plus que ma vie. Liée, l'une à l'autre, nos vies vont être une musique d'une harmonie parfaite.
Enfin, je sais ce que c'est que de sentir véritablement vivant et capable de soulever toutes les montagnes.
Au premier regard, je l'ai aimé même si notre lien est jeune, je sais déjà, je le sens qu'avec le temps, il se renforcera plus encore.
Je n'ai aucun doute là-dessus.
Ma vie a véritablement commencé lorsque tu es entré dans ma vie.C'est ce que je ne cesse de lui dire tous les jours.